Vendredi
17 h, il est temps de partirpour le badminton : j'ai l'intention de faire la
révision de la moto après maséance de badminton. Ce
n'est pas raisonnable mais pas moyen de meraisonner !
Hélas, la XS 650 en décide autrement : j'ai beau kicker
commeun forcené, impossible de la démarrer ! Je sais
ce que c'est : la batterie déjàfaiblarde a
définitivement décidé de me lâcher... Je cours dans le bureau deFrançoise afin qu'elle me prête ses câbles de démarrage
et la batterie de sa 2 CV.Avec l'aide de la brave
voiture, la moto démarre au quart de tour mais plusquestion
de badminton, c'est le retour direct à Gignac et pas question de calersur le chemin...
La révision de la moto commence :nettoyage des bougies, vérification du niveau d'huile,
changement desplaquettes de freins arrière (la limite
d'usure est largement atteinte,heureusement que j'ai toujours des pièces de rechange
d'avance...) et enfinpurge du liquide de freins et
réglage de la garde des leviers… Quelques coupsde
chiffon afin que je sois fier de la Guzzi et la voilà
prête pour un longvoyage. Les bagages sont chargés
dans les sacoches, en particulier ce sera lapremière
sortie de la sacoche de réservoir que JMC m’a filée et dont j’ai puadapter les fixations à coup de fil et d’aiguille !
Difficile de s’endormircette nuit, outre que je dors
mal depuis quelque temps, l’excitation du départm’oblige
à prendre un somnifère qui finit par avoir raison de ma résistance…
Samedi
Difficile réveil, un cachetentier c’était peut-être un peu trop ! L’appel de la
route est suffisammentfort pour me permettre de
percer les brouillards du réveil… Il est temps depréparer
la maison afin qu’elle résiste aux assauts du chat pendant ces quatrejours de solitude : fauteuil renversé,
nourriture aux endroitsstratégiques et c’est le
départ…
La moto lourdement harnachée afière allure, elle tourne comme une horloge : je ne
m’inquiète pas pour monpériple…
Premier tour de roue etdirection Pézenas puis Béziers. Une quinzaine de
kilomètres plus loin, lemoteur semble forcer, la
vitesse diminue, il y a un problème, c’est sûr… Jestoppe
immédiatement et, stupéfaction, le frein arrière émet une épaisse fumée…Voilà,
fin du voyage après 15 km. Je réfléchis et comprends soudain que monréglage de garde était sûrement trop optimiste et en
fait je freine depuis 15km !
Je laisse refroidir et détendsla garde, nouvelle tentative de départ… Pézenas,
Béziers, direction Limoux toutce passe bien, les
départementales sont monotones et pas très jolies, mais lamoto
ronronne : ça me console de tout… J’ai toutefois un peu de mal àconcentrer mon attention très longtemps : sans doute un
effet secondaire dusomnifère, ça devrait passer.
Les kilomètres s’enchaînent sansproblème à un rythme lent mais régulier, c’est ce que
j’affectionne le plus.
Toutefois, plus je progresse etplus le temps se fait incertain. Premier arrêt essence et
achat deravitaillement dans un centre Leclerc qui ne
propose que du sans plomb 98 : pasle choix mais je
n’aime pas l’idée de changer les habitudes d’essence de lamoto. Quelques kilomètres plusloin,
c’est la première pause-repas, je mange attablé sur une aire de reposfaisant face à une jolie vallée des Corbières. Je
repars rapidement, directionFoix.
La météo est de plus en plusincertaine. Arrivé en vue du château de Foix, les
éclairs entourent la ville :je décide de m’arrêter
dans la ville afin de laisser passer l’orage. Arrivé aucentre-ville,
je découvre une 1340 Harley allemande chargée comme un semi-remorque : c’est un
modèle custom style lowrider (longue fourche, selle épaissecomme du papier à cigarette : dire qu’ils ont
traversé la France là-dessus). Lecouple de
propriétaires, genre tatoués pur style rebelle allemand (donc propressur eux quand même) est attablé à la terrasse d’un
café. Je décide de m’arrêterici ; il faut dire
que depuis mon départ un phénomène étrange s’estproduit
: malgré mon insistance à saluer les motards que je croise, j’ai trèspeu de réponses, à part bizarrement de la part des harleyistes ! J’ai comprispourquoi
: de face, la Guzzi avec son carénage nez de cochon
ressemble à une HDgenre Electra
Glide !
Après un salut poli, jem’attable moi aussi à la terrasse et là, à peine mon demi
servi, le déluge sedéchaîne ! Outre l’eau, une
violente rafale de vent arrache les parasols etrenverse
les tables… mon verre passe à pertes et profits. Il ne reste plus qu’àattendre la fin de l’orage à l’abri dans le bar. Lorsque
la tornade se calme, unepluie fine mais régulière
s’installe : inutile d’attendre plus longtemps, ça nes’arrangera
pas… Les Allemands et moi décidons de partir en même temps aprèsquelques
mots en anglais sur les caprices de la météo. Nous nous
équipons denos tenues de pluie (il font moins
méchants comme ça, et moi je suis carrémentridicule)
Nos routes se séparent au premier rond-point. Heureusement, car leuréchappement libre (style drag pipe) m’aurait rendu
sourd en quelqueskilomètres… et me voilà parti pour
250 km sous une pluie battante. J’ai prévusur mon roadbook de passer un col pyrénéen afin de descendre sur
Pau :impossible sous cette pluie. J’enchaîne donc les
nationales qui ont d’autantmoins de charme que tout
est gris sous la pluie. Arrivé à Pau je suis épuisé parl’attention
que demande la conduite sur route mouillée et renonce à rejoindreBiarritz
comme initialement prévu. Je m’arrête à manger un morceau dans unfast-food : la salle est presque vide et tout le monde me
regarde comme unMartien débarquant de sa soucoupe,
surtout lorsqu’il a fallu que j’ouvre monpantalon de
pluie au niveau de la braguette afin de chercher ma monnaie ! C’estdécidé, je cherche un hôtel ici pour la nuit, c’est
chose vite faite, dans lazone commerciale que je
traverse se trouve une espèce d’hôtel F1 en plusconfortable.
Le gérant me propose une chambre en compatissant à mon calvairehumide…
Il est temps de vider les sacoches de la moto et j’ai fière allure endéambulant dans les couloirs avec les sacs poubelle qui
assurent l’étanchéitéde mes affaires.
Arrivé à ma chambre, jem’aperçois que le couloir accueille la moitié des
habitants d’une tour dudépartement « 9-3 »
(vérifié à l’immatriculation de leurs voitures)descendus
sans doute eux aussi vers le soleil ! L’ambiance est disons animée etje crains le pire pour la tranquillité de la nuit à
venir, surtout lorsque jevois un de ces personnages
fumer tranquillement son joint dans l’escalier !Après
une douche, j’avale rapidement mon repas du soir : il est déjà 21 h, jem’écroule sur le lit épuisé. Et ne rouvrirai les yeux que
le lendemain matinaprès une nuit tranquille et
reposante : comme quoi…
Dimanche
8 h, il est temps de se leverétonné par le calme de la nuit passée, comme quoi il
ne faut pas juger les gensà ce qu’ils fument ! J’ai
bien récupéré et c’est avec une légère inquiétude queje
lève le store pour constater l’état de la météo : le ciel est très chargé…Cela
n’augure rien de bon. Je constate que presque toutes les affaires sontsèches à l’exception de mes gants en cuir. Ils m’ont
fait souffrir le martyrehier, au point qu’en arrivant
à Pau j’avais les doigts tétanisés par le froid.Et me
revoilà arpentant les couloirs avec mes sacs poubelle à bout de bras :gros succès lorsque j’arrive à la hauteur du restaurant où
les petits déjeunerssont servis ! Je me suis contenté
d’une barre de céréales et d’un peu d’eau.j’ai plus
de 300 km à faire avant Bilbao : je voudrais arriver tôt pour avoirle temps de trouver soit un camping, soit un hôtel à
proximité de la ville.
A peine ai-je quitté Pau que lapluie se remet à tomber, m’obligeant de nouveau à me
déguiser en sac de pommesde terre : où est la
prestance du motard de cuir vêtu chevauchant son engind’acier
rutilant ?
Mais la météo peu clémentem’obligeant à la prudence, je m’intéresse au
paysage : le pays basque françaisest beau. La nature
y est verdoyante (je sais maintenant pourquoi), je croisemême
des bananiers de taille respectable dans certains jardins ! L’architecturedes fermes y est bien particulière, elles sont constituées
d’une maisond’habitation et de ses corps de bâtiment
formant un L ou un U. Le toit desmaisons est à forte
pente et couvert d’ardoises ou de tuiles, ce qui présageque
la pluviométrie de ce jour n’est pas exceptionnelle. Les vallées, véritablegrenier à blé, sont surmontées par les contreforts
des Pyrénées à l’heureactuelle noyées dans les
nuages. Bayonne est en vue et je décide de m’y offrirune
pause méritée, la météo étant plus clémente : je me débarrasse donc de matenue une fois de plus pour effectuer une visite de la
vieille ville. Elle estséparée en deux parties
distinctes par une rivière dont je ne me rappelle plusle
nom. L’architecture est de type médiéval : petites rues étroites, parfoisavec leurs pavés d’origine. L’office se déroulant
dans la cathédrale ne mepermettra pas d’en faire la
visite : dommage…
Maintenant direction Biarritzqui en fait touche Bayonne. Là je me crois revenu
dans les pires cauchemars demon voyage sur la côte
méditerranéenne : circulation intense, touristes par milliers,embouteillages…
Je décide de rejoindre au plus vite Saint-Jean-de-Luz, espéranty
trouver un lieu plus calme. Sur la nationale très encombrée, un Belge tenteun paysage en force à un stop mais voyant que je ne
suis pas décidé à lelaisser passer il se résigne pour
s’arrêter au milieu de la chaussée. Hélas, lajeune
fille en scooter n’a pas prévu la manœuvre et vient percuter violemmentl’arrière de la voiture. Je stoppe, elle n’a
presque rien, par contre l’avantde son scooter a
souffert… Les occupants des voitures alentour stoppent ets’occupent
de la jeune fille. Je continue mon chemin non sans être pris d’unsentiment de culpabilité : n’ai-je pas une part de
responsabilité dans cetaccident ? Un freinage
d’urgence sous cette pluie afin de permettre à lavoiture
de griller le stop aurait été dangereux.
Saint-Jean-de-Luz apparaît etj’oublie l’incident. Je décide m’offrir quelque chose à
boire sur la promenadedevant la plage. Beaucoup de
monde, je m’attable à un café, commande une bière: je comprends vite que le serveur
en plein boom de midi et va m’accorder peud’attention,
je ne parviendrais même pas à savoir où se trouvent les toilettes…Je décide de
lever le camp en espérant que les Espagnols seront plussympathiques.
La frontière ne pose aucunproblème, c’est d’ailleurs à peine si on la remarque !
Dès que je suis en Espagne, letemps change, le soleil apparaît et la route plate
jusqu'à maintenant faitplace à une côte plus découpée
: les Pyrénées se jettent dans la mer et c’estmagnifique
! Après une vingtaine de kilomètres, je décide de m’arrêter dans unecrique afin de manger et d’admirer la côte de plus en
plus belle. J’avale masalade en boîte et mon riz au
lait puis je pars faire une promenade sur laplage… A
mon retour à la moto, je me dis qu’il est dommage de ne pas pouvoirpartager
cette vue qui ressemble à un mélange de Corse et de Bretagne.
Ceci fait, je vérifie l’étatmécanique de la moto, le niveau d’huile n’a pas baissé
de façon notable et ceaprès 600 km. Cette Guzzi est vraiment une bonne moto. Les câbles ont l’air detenir, c’est le point faible de cette machine et je me
suis aperçu après unecentaine de kilomètres que j’ai
oublié ceux que je garde en réserve, trop tardhélas…
Je reprends donc la route et n’ytenant pas je stoppe à nouveau après quelques kilomètres
pour admirer cettecôte si particulière. Après
quelques minutes d’arrêt, j’entends derrière moi lebruit
particulier d’un bicylindre culbuté et quelle surprise lorsque je meretourne et vois une jolie Guzzi
V50 entièrement peinte en kaki… Ça n’est pasfréquent
de rencontrer ce genre de machine sur la route. Je descends de le motopour aller saluer ce valeureux chevalier de la route.
Il s’agit d’unHollandais, nous commençons à engager
la conversation en anglais. Il est partivendredi de
Hollande et a déjà traversé toute la France. C’est un grandgaillard
de 1,90 m, je découvre son visage après qu’il a enlevé son casque, ila la boule à zéro et il est tout de cuir vêtu : il a le
look agressif du motardharleyiste mais son visage et
son sourire démentent l’agressivité de sonapparence.
Le début de la conversation est difficile, je comprends rapidementpourquoi
lorsque je le vois enlever les boules Quiès avec
lesquelles il roule !
Sa moto est entièrement équipeavec du matériel militaire, elle est lourdement
chargée, l’équipage qu’il formeavec sa moto est
incongru car le V50 est une moto de petit gabarit, c’est toutjuste
si on la voit sous son harnachement ! La conversation est naturelle.j’apprends
que sa moto est une moto achetée aux surplus de l’armée hollandaise,qu’elle est un peu juste en puissance sur l’autoroute, que
contrairement à saréputation le faisceau électrique
ne lui a pas posé de problèmes mais qu’il acassé ses
câbles d’accélérateur à Rouen et que par miracle un motociste a pules lui changer. Nous comparons nos roadbooks
: il descend plus au sud où il aréservé un hôtel mais
il emprunte jusqu'à la hauteur de Bilbao le mêmeitinéraire
que moi. Nous décidons de faire un bout de route ensemble et je luipropose de lui offrir à boire lorsqu’il faudra nous
séparer. Je lui propose depasser devant.
Nous comprenons immédiatementpourquoi nos itinéraires sont identiques :
cette route à flanc de montagne estmagnifique, elle
serpente à travers de très belles criques. La luxuriance de lavégétation
et le contraste entre la mer et la montagne en font le plus beauparcours
de mon voyage ! Mon gaillard hollandais a adopté un rythme très calme,je n’ai pas de mal à le suivre, il faut dire que le petit
bicylindre doit avoirbien du mal à emmener tout cet
équipage ! La route défile sous nos roues, maisrapidement
l’itinéraire deviens plus tortueux et mon prédécesseur se trompedeux
fois de chemin. Je décide de passer devant et d’ouvrir la route…J’accélère le
rythme car je suis un peu en retard sur mon programme… La V50 aun peu de mal à me suivre comme il me l’avouera plus tard…
Nous avons décidé denous arrêter à Guernica car nos
itinéraires se séparent peu après. Je medemande s’il
s’agit de la fameuse Guernica bombardée par la légion allemandeCondor
envoyée par Hitler pour aider son ami Franco et que Picasso aimmortalisée.
Nous arrivons en ville et nous mettons à la recherche d’un bar.C’est
chose vite faite, notre entrée dans ce petit bar tranquille fait sensation,je commande tant bien que mal une bière et deux cafés. Le
tenancier fait delouables efforts pour essayer de me
comprendre !
Au cours de cet arrêt, j’enapprendrai plus sur mon coéquipier d’un jour : il
projette après son séjour àl’hôtel de remonter sur
Bordeaux puis de descendre à Barcelone en passant parToulouse
puis de remonter en Hollande ! Il travaille dans la métallurgie etdéclare que je suis le seul Français qu’il a rencontré
capable de tenir uneconversation en anglais, ce qui
me fait bien rire ! Et inévitablement nousparlons
moto : ce n’est pas sa première monture et sa précédente acquisitionétait
un Sporster 1200 : le récit des problèmes qu’il
a eus avec cettemachine va nous occupez un bon quart
heure ! Et dire que c’est la moto que jerêve
d’acquérir prochainement…
L’heure tournant, il nous fautbientôt reprendre la route. Il veut arriver à son hôtel
avant demain, quant àmoi le retard accumulé commence
à m’inquiéter (la suite me donnera raison !).Nous voilà à nouveau sur nos
machines et à la faveur d’un ravitaillement enessence
nous nous faisons de chaleureux adieux, ces quelques kilomètrespartagés
auront été un rayon de soleil dans le voyage. Je ne connais même passon nom et je regretterai longtemps après notre
séparation de ne pas lui avoirproposé de passer à
Montpellier : il n’est pas à quelques centaines dekilomètres
près !
Mais passons au but de notrevoyage : après 900 km voici Bilbao. La première
approche est peuengageante, en fait la ville s’étend
le long d’une vallée qui se révélera êtrel’embouchure
d’un fleuve. Toute la partie nord de la ville est une immense zoneindustrielle où se mêlent industrie et architecture
espagnole typique desannées 1970, c’est-à-dire des
constructions d’habitat collectif en brique, dontle
moins que l’on puisse dire est qu’elles sont laides !
Je suis une autoroute qui mènevers le centre et là, à la sortie d’un virage, apparaît
le centre historiqueet, trônant au milieu de la
ville, le musée Guggenheim. Le moins que l’onpuisse
dire est que voir pour la première fois ce bâtiment est un choc. Ils’impose comme le cœur de la ville et on comprend mieux
le rôle principal qu’ily joue, tentant de limiter
l’inévitable naufrage d’une ville industrielle auXXIe
siècle en Europe. Je me suis promis de lui consacrer au moinsune matinée, mais pour l’instant il est 19 h et il
faut que je trouve d’urgenceun hôtel. Je commence à
sillonner les rues comptant sur ma bonne étoile pourtrouver
un petit hôtel bon marché et typique. Hélas, je me rends vite compte qu’ils’agit d’une denrée rare ici.
Les seuls hôtels que j’ai croisés sont un 3 et un4 étoiles, outre le fait que je
ne compte pas me ruiner pour loger. Ici jedoute que
ma tenue qui commence à se défraîchir sérieusement me permetted’entrer
dans ce genre d’établissement. Le temps presse, je décide de garer lamoto et d'explorer à pied le quartier dans lequel je me
trouve : en vain, pasle moindre hôtel même de
dernière catégorie ! Je retourne à la moto, avalerapidement
mon repas du soir en réfléchissant. Il ne me reste plus qu'unesolution,
m'éloigner de la zone urbaine afin de trouver soit un camping, soitun lieu de bivouac. J'enfourche donc à nouveau la moto
et décide de me dirigervers la côte en suivant
l'estuaire. Je traverse le port industriel : la visionest
dantesque, sur 10 km se succèdent entrepôts désaffectés, grues rouillantsur pied et carcasses de cargos échouées sur le
sable. Ce paysagepost-industriel est incroyable et il
possède une esthétique que je ne détestepas, le
gigantisme et la décrépitude aboutissant à une atmosphère bienparticulière.
Je poursuis ma route et arrive à l'embouche de l'estuaire et làsurprise le paysage change complètement et je me trouve
dans une villebalnéaire ressemblant beaucoup à
Deauville. J'imagine qu'il s'agit du lieu devillégiature
de la bourgeoisie de Bilbao. Les rues sont très encombrées devacanciers,
ce qui provoque de véritables embouteillages, je me perd
dans celabyrinthe de petites rues, je tourne, la moto
chauffe, elle n'aime pas cerégime. Il me faut
rapidement trouver la sortie afin de rejoindre les collinesverdoyantes,
je j'aperçois au loin... mais le calvaire continue, pas le moyend'avancer,
la Guzzi proteste, les reprises sont moins franches,
elle pétarade àla décélération. C'est la panne
mécanique, je parviens tant bien que mal àfaire une
dizaine de kilomètres. Je suis sorti de la ville, le moteur est àl'agonie, il me faut au plus vite m'arrêter. Je repère un
petit chemin quis'enfonce dans la campagne. Je le
prends et m'arrête au bout d'une centaine demètres,
le sol est très humide, j'ai peur de m'enliser. Je décide de faire unereconnaissance à pied. Quelques dizaines de mètres plus
loin, un petit champs'offre à ma tente. J'y introduis
tant bien que mal la moto en marche arrière.l'endroit
n'est pas des plus accueillants mais je dois pouvoir bivouaquer ici.Je monte la tente, laissant le temps au moteur de
refroidir : une séance demécanique m'attend avant la
tombée du jour qui ne saurait attendre. Je supputeune
bougie claquée, heureusement que j'ai toujours des bougies de rechange queje monte immédiatement ; par acquis de conscience,
je nettoie aussi lescarburateurs. Je n'ose pas
redémarrer la moto de peur d'une déception. Je meglisse
dans mon sac de couchage et ne tarde pas à m'endormir.
Lundi
Je sais par expérience que lebivouac près des zones urbaines peut amener de mauvaises
surprises. Il n'ensera rien cette fois. Je me
réveille à huit heures après une excellente nuit.Je
me donne jusqu'à 10 h pour arriver au Guggenheim Museum,
le temps de plierla tente et de me trouver un petit
déjeuner et puis je veux retraverser ce portqui m'a
tant impressionné hier.
Le temps de charger la moto etvoila le moment de démarrer le moto : angoisse ! mais non elle démarre au quartde
tour et tourne très rond ! Le diagnostic mécanique était bon : je remerciemes bougies de rechange...
Nous voilà donc repartis vers laville. Je stoppe dans un quartier un peu populaire à
proximité du musée. Jetrouve un café et des Donuts : une ville où l'on trouve des Donuts
ne peut pasêtre mauvaise !
Avant de me rendre au musée, jedécide de déambuler à pied dans le quartier : c'est le moyen
que j'affectionnele plus afin de découvrir une ville.
On se trouve à hauteur d'homme, j'essaiede me fondre
dans la vie de la ville, de passer pour un habitant, de découvrirla
vraie vie des gens... Pour moi rien de plus déprimant que ces hordes detouristes appareil photo sur le ventre, dégorgeant de
leur car pour passer 10minutes devant un monument historique. Je n'ai hélas que
peu de temps àconsacrer à cette découverte car je
veux consacrer le plus de temps possible aumusée. Je
crois que j'aime l'atmosphère de cette ville ou naufrage industriel,histoire et modernité se côtoient : j'aime les villes
protéiformes !
Je me dirige donc vers le musée,je gare la moto à côté de quelques-unes de ses consœurs en
majorité venantd'Angleterre dont une magnifique Ducati 750 SS dont je me demande comment lepilote a pu supporter un voyage sur un engin aussi peu
confortable ! La motoest équipée pour porter des
valises, il ne s'agit donc pas de pseudo-motardsqui
tractent leur moto derrière leur voiture pour mieux frimer sur lesplages...
L'architecture extérieure dumusée sort vraiment de l'ordinaire, ces volumes très
différents imbriqués lesuns dans les autres en font
un bâtiment unique spectaculaire bien que j'ai dumal
à le qualifier de beau. Je me dirige vers le guichet du musée et constateavec plaisir que le musée propose des audioguides. J'en commande un en français,m'adressant
en anglais à l'hôtesse, celle-ci me répond gentiment et m'expliquele
fonctionnement de l'appareil dans un français parfait sans accent, ce dontje la félicite, ce qui la fait rougir de plaisir et
elle m'apprend qu'elle avécu en France.
La visite commence : je découvretout d'abord l'architecture intérieure du bâtiment
grâce à l'audioguide.Etrange comme après plusieurs
jours sans m'être beaucoup adressé à des êtreshumains
cet appareil va me devenir familier et même attachant ! L'architecturemêlant
titane (je préfère ne pas imaginer le coût !), verre et béton est loinde l'architecture
duGuggenheim de New York, beaucoup plus grand et
moins orienté vers le biodesign avec sa a spirale
centrale qui évoque l'intérieur de la coquilled'un
gastéropode. Pourtant, la salle principale de 130 m de long a étéconstruite selon la forme d'un corps de poisson, comme
me l'apprend Gerritlui-même à travers l'audioguide !
En fait, les différents volumesdélimitent les espaces d'exposition
distribués autour d'un hall central.
Il est temps de passer àl'exposition permanente située au rez-de-chaussée, je
ferai la visite commentéede l'extérieur du musée plus
tard.
Il s'agit d’œuvres monumentales,deux artistes se partagent l'espace, l'un deux travaille
sur des structures enacier de grande dimension,
l'autre sur des formes labyrinthiques. La taille desœuvres
fait qu'on les visite littéralement, particulièrement un labyrinthe quisur quelques dizaines de mètres carrés fait pénétrer
dans un universclaustrophobique (non sans qu'une
hôtesse nous ait mis en garde sur cet aspectde
l'œuvre !).
Les deuxième et troisième sallesprésentent elles des œuvres qui jouent sur la
perception de l'environnement.L'œuvre la plus
spectaculaire est sans conteste une salle peinte en blanc,éclairée
par des lampes à ultraviolet et néon, dont les murs ne sont pas droitsmais incurvés. Après avoir chaussé des protections
aux pieds, on pénètre dansla salle : on perd alors
complètement la perception des limites de la pièce etl'on
se prend à avancer les mains en avant de peur de se retrouver face à unmur sans s'en être aperçu ! les
éclairages changent, rendant la perception duvolume
de la pièce différente : vraiment spectaculaire ! Toutefois, après quelquesminutes, de minuscules taches sur les murs
permettent de reprendre pied avec laréalité...
Il est temps maintenant depasser à la première exposition temporaire : il s'agit
d'un artiste new-yorkaisd'origine coréenne : Paik. Il
s'est surtout intéressé au rapport entre l'imagevidéo
et le spectateur. Il a produit aussi bien des œuvres d'art que des bandesvidéo depuis les années 1960 jusqu'à nos jours. Son
travail est intéressantdans le sens où il essaie
introduire une certaine interactivité dans ses vidéos.Puis
sur la fin de sa carrière (il est toujours vivant) Paik a travaillé avecdes lasers en créant des formes complexes un peu à la
manière des sinusoïdalesqu'il créait à ses débuts
avec des oscilloscopes.
Les deux œuvres qui resterontdans ma mémoire sont indiscutablement la vidéo
faisant un résumé de ses travauxdes vingt dernières
années et un cône sous lequel le visiteur se couche et surla
surface intérieure duquel plusieurs lasers dessinent des formesgéométriques.
La seconde exposition temporaireest consacrée à Giorgio Armani ! Inutile de dire
que je ne vais pas m'attarderà celle-la, d'autant
plus que lorsque je branche l'audioguide c'est la voixsuffisante et insupportable de Claudia Cardinale qui
commente l'exposition ! Jepasse rapidement à travers
les différentes salles, mais l'étalage de tout celuxe
m'écœure.
Heureusement, la visite del'architecture extérieure du bâtiment m'attend. Je me
dirige donc vers lasortie avec mon audioguide, pas de problème c'est prévu par la visite et
j'ai laisséà cet usage ma carte d'identité au guichet
!
La visite de l'extérieur estsans doute la meilleure partie de la visite. Forme
architecturale, intégrationdans la ville, similitude
de la surface du bâtiment avec les écailles d'unpoisson,
tout est passé en revue avec beaucoup de talent.
Mais l'heure passe et une longueroute m'attend pour le retour. Toutefois, j'ai du mal
à me résoudre à quittercette ville dans laquelle je
serai resté si peu de temps et pour laquelle j'ai développési
rapidement de l'attachement.
Je retrouve ma – jusqu'àmaintenant – fidèle monture. Elle a souffert sous le
soleil, et lesquelques bricoles que je me mets sous
la dent avant de partir sont bouillantes,je les mange
tout même avec plaisir car je n'ai rien avalé depuis ce matin ! Lamétéo étant plus que clémente, je décide de ne pas mettre
mon blouson de cuiret de partir en tee-shirt, je
réparerai cette imprudence rapidement car lescamions
qui me croiseront sur l'autoroute me feront craindre le pire ! Jelaisse donc derrière moi la ville que je me promets de
visiter à nouveau !
Mon itinéraire doit traverser lepays basque puis l'Aragon avant d'arriver à Andorre. Il
est 16 h et j'espèrefaire le maximum de kilomètres
avant 21 h afin d'alléger mon étape de demainqui
promet d'être longue.
Dieu que l'architecture desvilles moyennes du pays basque massacre la beauté des
vallées pyrénéennes quiles accueille. Ces villes
construites de barres en brique tristes à mourir vontbaliser
mon parcours pendant une bonne centaine de kilomètres ! Jusqu'à ce que,surprise, au milieu d'une vallée verdoyante, je tombe en
arrêt devant uneincroyable vision. A l'entrée d'un
petit village se dresse un immense bâtimentd'architecture
XVIIe. Il est constitué d'une immense
chapelle à toiten dôme avec de nombreuses dépendances
toutes construites en pierre de taille.Ce bâtiment
mérite un arrêt ! Au cours duquel j'apprendrai qu'il s'agit d'unechapelle et d'un monastère à la gloire de saint Ignace,
visiblement né ici...Mais la route continue, et j'espère arriver à Pampelune
avec le reste de monplein d'essence. Hélas, il en
sera autrement et je dois me mettre à larecherche
d'une station-service sur une partie quelque peu déserte de monparcours
! Heureusement, grâce à un policier basque qui m'indiquera un détourme permettant de trouver une station-service, je ne
tomberai pas en pannesèche. Pampelune approche et
j'ai décidé d'y faire une petite halte. La villese
révèle être une espèce de ville nouvelle sans beaucoup de charme, il doitsûrement y avoir un centre historique mais la ville est
tellement embouteilléeque je décide rapidement de
trouver un bar et de repartir. Je refais le pleinde
provisions, cette fois avec de la nourriture typiquement espagnole :
charcuterie,tortilla... Je consulte ma carte, je suis
entré dans la province d’Aragondepuis quelques
kilomètres, ma route va la traverser entièrement et je ne vaispas
le regretter : cette région est magnifique, très différente du pays basque,elle a un charme typiquement espagnol. Au gré de la route
se succèdent valléegrenier à blé, colline, falaise
déchiquetée par l'érosion...
Je me suis fixé comme objectifd'atteindre un lac dans quelques dizaines de
kilomètres dans l'espoir d'ytrouver un camping : j'ai
bien besoin d'une douche. Les kilomètres défilent etil
s'avère que la région est réellement déserte ! Pas le moindre village, jecroise même des villages fantômes complètement à
l'abandon... Trouver uncamping va être une gageure...
mais j'arrive en vue de mon lac. Il est entouréd'une
impressionnante ligne d'éoliennes et il s'étend sur plusieurs dizaines dekilomètres. Il est tard, bientôt 20 h 30, et il est temps
de trouver un endroitpour dormir. Je ne me fais plus
d'illusions sur le fait de trouver un camping,et
m'engage dans le premier chemin de terre que je croise et qui se dirige versle bord de l'eau. Le chemin est étroit et laisse tout
juste passer une moto, jem'inquiète pour un éventuel
demi-tour. Après quelques centaines de mètres, jedébouche
sur un véritable coin de paradis. L'endroit évoque les plus beauxpaysages
d'Easy Rider, et si je n'étais seul je pourrais me
prendre pour DenisHopper et Peter Fonda. Il y a là
une petite fontaine, une plage de sable sousl'ombre
d'arbres, le tout à quelques mètres du bord de l'eau ! Je jubile :jamais je n'aurais pensé tomber sur un endroit aussi beau
et reposant. Premièrechose : une baignade dans le lac
avant la tombée du jour... quel plaisir denager dans
cette eau sans personne à des kilomètres !
Ensuite toilette dans
lafontaine. Il est temps de préparer le bivouac. Je décide qu'il est dommage deplanter la tente dans un aussi beau décor, j'installe un
vague auvent avec latoile de tente et me glisse dans
mon sac de couchage ! Mal m'en a pris, je saispourtant
par expérience que je supporte mal de dormir à la belle étoile : millebruits réels ou imaginaires troublent mon sommeil. Ce
n'est donc que trèstardivement que je parviendrai à
fermer l’œil. Non toutefois sans avoirlonguement
profité de la nuit étoilée mais aussi du roman que j'ai emporté !
Mardi
Unefois
le barda plié et chargé sur la moto, un coup de démarreur, la Guzzironronne immédiatement se balançant d’un cylindre à
l’autre. Premier objectif,trouver un café ! Il va
me falloir rouler une quarantaine de kilomètresavant
d’atteindre une ville suffisamment importante pour accueillir ce typed’établissement ! Je ne dois pas être très loin de
la Sierra de Guarra oùj’ai
passé une semaine de canyoning intense l’année
dernière car le nombre demagasins de sport de montagne
et de tour-opérateurs proposant des canyons dansla
région est impressionnant.
Maispas
question de traîner excessivement car aujourd’hui m’attend la plus longueétape de mon périple, près de 800 km à avaler dans la
journée. Je quitterapidement l’Aragon pour entrer
dans la partie pyrénéenne de la Catalogne. Lesvirages
de montagne se succèdent à bon rythme et j’essaie de me concentrer surune moyenne horaire élevée. Je vais être aidé en cela
par un Espagnol qui dansun virage sans visibilité
pousse les rapports de sa modeste Fiesta à fairehurler
le moteur afin de me dépasser. Ce fou se permet de plus unequeue-de-poisson
spectaculaire. Cette manœuvre pour le moins audacieuse me methors
de moi, je descends un rapport et décide de montrer à cet imbécile cequ’est un pilote !
Jele
rattrape facilement, le passe dans un virage et la s’ensuit une coursepoursuite saignante ! Mais comment une voiture
pourrait-elle rivaliseravec la maniabilité et le
couple moteur d’une Guzzi ! L’avance se creuserapidement… jusqu'à ce que je débouche enfin sur une
route rectiligne. Je calela moto sur un régime de 4
500 tours, ce qui emmène notre équipage à 110-120km/h. Après à peu près 10
minutes à ce régime, qu’aperçois-je dans mon rétroviseur :mon pilote de rallye qui me suit à distance
raisonnable ! Il estrapidement clair qu’il n’ose
plus me dépasser et reste collé sagement à ma roueà
distance raisonnable ! Après quelques kilomètres, cette situationm’horripile au plus haut point et je lui fais
magnanimement signe de me passer.Après moult
hésitations, il finit par doubler en fuyant le regard appuyé que jelui lance… La suite de la route défile maintenant avec
plus de sérénité :Andorre approche, et je me
réjouis de la traversée de cet Etat que je n’aijamais
visité… Quelle déception, la partie espagnole de ce pays est digne despires cauchemars que peut engendrer la société de
consommation ! La villen’est qu’immeubles de
béton accueillant une multitude hétéroclite de commercesde
toutes sortes : du sex-shop à la bijouterie de luxe ! Le tout estenvahi d’une foule grouillante avide de remplir le
coffre de son break dedizaines de litres d’alcool
divers : pure vision de l’enfer !
Toutefois,la route a été longue et peu rectiligne et il me faut
m’arrêter pour merestaurer… Je trouve finalement un
petit restaurant coincé entre unestation-service et
l’entrée d’un parking souterrain. Je ne vais pasm’attarder !
J’avalerapidement mon repas servi par une très gentille
serveuse qui semble compatir àmon effarement. Hélas,
le calvaire ne fait que commencer. La traversée du paysme
réserve deux mauvaises surprises : la
conduite apocalyptique desAndorrans surveillés de
manière très laxiste (enfin en ce qui concerne lesautochtones)
par une multitude de policiers en uniforme de carnaval ; le nombre de diesels asthmatiques chargésjusqu'à la gueule qui cherchent à avoir raison de
nos bronches dans lesembouteillages et les nombreuses
côtes du pays.
C’est décidé : autant que fairese peut, j’éviterai ce pays à l’avenir ! Je dois
toutefois admettre que lecôté français de la contrée
avec ses alpages et ses stations de ski a plus decharme.
Le passage de la frontière làencore ne pose aucun problème : il ne faudrait pas
que ça ralentisse lecommerce tout de même ! Me
voici donc à nouveau sur nos bellesdépartementales :
il me faut rejoindre Carcassonne. L’itinéraire que j’aipréparé
passe essentiellement par de petites routes violeuses… Je vais bientôtle regretter !
En effet, mon kilométrage pourcette dernière journée atteint 700 et j’ai plus de 150
km à faire pour terminerle voyage. La fatigue
commence à sérieusement se faire sentir et, si la mototourne
impeccablement, la virilité des commandes d’accélérateur et d’embrayagecommence à sérieusement fatiguer mes mains.
Les 100 km suivants je lesparcours dans un état second : ne rêvant qu’à une
chose, enfin une lignedroite SVP ! Quel soulagement
de trouver enfin l’autoroute : je parcours àun
rythme soutenu kilomètres qui me séparent de Gignac… avec déjà des regretsmais aussi avec soulagement !
Je rêve déjà de mon prochainpériple : pourquoi pas la Slovénie, l’été
prochain ?